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80 ème anniversaire de la libération à montcenis.

Le soleil brillait, ce vendredi, en fin d’après-midi, pour accueillir le convoi militaire de la Libération. Une colonne de la Libération, partie de Blanzy et qui a donc fait escale à Montcenis, avant de partir rejoindre le Château de la Verrerie au Creusot, pour la grande cérémonie de la cité du Pilon qui aura lieu samedi matin…
A Montcenis, il y avait du monde dans la rue principale pour accueillir les enfants. Toutes générations confondues, énormément de sourires sur les lèvres, et des enfants qui ouvraient grand les yeux devant un spectacle pour le moins inédit.
Tout le monde s’est ensuite retrouvé devant le monument aux morts où le Maire Thierry Buisson était entouré des membres de son conseil, avec aussi et bien évidemment la section des parachutistes… Lever de drapeau, sonnerie, mini marseillaise, dépôt de gerbe… Il y a tout eu avant la lecture d’un texte (lire ci-dessous) de Michel Jannot, sur l’histoire de la Libération de Montcenis qui, historiquement, avait eu lieu le 7 septembre 1944.

Le texte de Michel Jannot

Mardi 5 septembre 1944. Je n’arrive que vers sept heures et demi à Montcenis, juste pour apprendre la nouvelle qui explose ici: huit voitures américaines, à l’étoile blanche, sont passées à Charmoy.
C’est G. Mary qui me relate cela. Il s’agit là de ce détachement héroïque qui périt vers la ville de Sennecey, mettant des centaines d’Allemands hors de combat et permettant ainsi la libération de Chalon.
Mercredi 6 septembre 1944. On annonce les Alliés à Villefranche, à Mâcon même. Les autos du maquis traversent souvent Montcenis, s’y arrêtent parfois, un souffle de liberté, un frisson de révolte passent dans tous les cœurs.
Rien ne fait prévoir, dans ce clair matin d’automne, l’arrivée de ces sombres uniformes et l’entrée de la colonne allemande dans le village surprend tout le monde.
Après avoir pillé les magasins, ils prennent leurs dispositions pour se barricader à Montcenis contre les attaques des « terroristes ». Chaque rue, chaque chemin qui aboutit au bourg, est aussitôt barré par
• des voitures renversées, sur lesquelles s’accumulent les meubles raziés dans les maisons environnantes. Au Coin Petit, trois voitures renversées barrent le carrefour. La Grande Rue est barrée en son milieu par une voiture. La Traverse est coupée dès son entrée par le camion de M. Auzeral que les boches ont réquisitionné. Quant à la route de Marmagne, mieux vaut ne pas s’en approcher…
De retour à la maison et occupé à quelque distraction, je suis un moment attiré dehors par des détonations toutes proches. Et, là-bas, sur la colline de la Châtelaine, on peut apercevoir des silhouettes se mouvoir, tandis que des coups de feu partent sans arrêt. Cela peut durer un quart d’heure et les avis sont très partagés. Mais qui aurait pu prévoir le tragique drame qui se passe là-bas ?
Et puis, c’est la nuit qui tombe. Dans les appartements sans lumière, on regarde avec angoisse l’obscurité envahir le village. Soudain, vers neuf heures, heure du couvre-feu en ce dernier jour de l’occupation, un bruit de bottes martèle le pavé, les derniers boches viennent de passer, encore arrogants, dans les rues vides.
Le jeudi matin trouve de nombreux monticinois endormis, tout habillés, sur leurs lits, dans la crainte d’un brusque réveil nocturne. Les boches ont dû coucher vers les voitures et dans la salle de gymnastique.
A huit heures et demi, les soldats font une dernière rafle des couronnes de pain et, sautant dans leurs véhicules, s’éloignent rapidement du village, abandonnant les barrages.
Vers neuf heures et demi, je jette un coup d’œil sur la place. Stupéfaction ! Sous les Halles et venant de la place, deux types du maquis l’un armé d’un énorme mousqueton, l’autre d’une mitraillette, s’avancent lentement, épiant les rues et les carrefours. Leur apparition sème la surprise et la frayeur, les boutiques se ferment aussitôt et, avec un ensemble frappant, les rues se vident en un clin d’œil.
Sous les Halles, deux autres gars du maquis sont postés. Le groupe se met en route, armé jusqu’aux dents et précédé d’un grand type en capote jaune, qui ressemble à un Américain, et qui n’est autre que le mari de la postière de Montcenis, M. Bichet. Passant devant la mairie, tous, à la queue leu leu, s’engagent dans le chemin du Vieux Château.
Je me trouve à la maison quand de grands cris retentissent soudain : « Les voilà ! Ils arrivent ! » Et aussitôt, acclamés par tous, deux voitures du maquis débouchent sur la place. La première, une camionnette, sur laquelle flotte le drapeau tricolore à croix de Lorraine, la seconde, simple voiture de tourisme, dotée du drapeau à croix de Lorraine. Un casque boche sur une tête apparaît à une portière. c’est celui d’un Allemand descendu la veille. Les deux voitures stoppent sur la place du Champ de Foire où tout le monde accourt bientôt.
Les deux voitures doivent descendre au Creusot. Ils sont sympathiques, ces gars des FFI. portant le brassard tricolore officiel et armés d’armes hétéroclites.
Pendant ce temps, un groupe, d’une dizaine d’hommes du pays, dont deux portent un brancard, gravissent la montagne de la Châtelaine où, la veille, avaient eu lieu les combats. Ils vont chercher un gosse de seize ans, Lucien Chazal, un camarade d’école très sympathique. Le corps, recouvert d’un drap, est rapporté chez ses parents où sa mère est en proie à une crise de nerfs qui va la terrasser durant quelques jours. Ceux qui peuvent voir le corps nous racontent l’horrible cadavre qu’il était.
Tout défiguré, il porte les traces d’une quinzaine de balles de mitraillette et, dans la tête, se montre un trou où les deux poings peuvent tenir. Il se trouvait la veille avec son frère sur la montagne. Le frère, blessé au bras, réussit. Lui, tomba et fut achevé. Il passa la nuit là-haut…
A une heure, les deux voitures FFI qui s’étaient garées sous les Halles décident de partir. Ils prennent la direction du Creusot, par les Quatre Chemins, et rejoignent des camarades dans la ville qui vient de se libérer.
Vers la fin de l’après-midi, arrive soudain le maquis du Sud avec, en tête, un lieutenant. Ils sont follement acclamés et la foule grossi de minute en minute. En un clin d’œil, le village est pavoisé mais les voitures ne s’arrêtent qu’un quart d’heure et, de nouveau, le village est seul. Les drapeaux rentrent, sur l’ordre du maire, car des Allemands peuvent revenir.
Ce vendredi s’annonce sous un ciel couvert d’où tombe une pluie fine et serrée. Dès les premières heures, le village est dans la rue, la mairie sort ses grands drapeaux et le monument se décore de multiples guirlandes tricolores et de drapeaux.
En effet, le pays, en liesse, acclame les jeeps, les canons, les camions, les autos blindées qui, depuis un quart d’heure, passent dans le village, dans un bruit de tonnerre. On ne se lasse pas de les acclamer mais la joie tourne au délire quand apparaissent les énormes tanks d’où émergent des visages qui nous sourient. Les soldats portent des casques américains mais ce ne sont que des troupes
Françaises, débarquées il y a quinze jours à Saint Tropez ou à Saint Raphaël.
Puis, le convoi démarre et prend la route d’Autun où les boches résistent avec acharnement.
L’après-midi, il arrive de nombreux FFI des maquis pyrénéens, d’où leur nom de CFP « Corps Francs Pommies ».
Au retour, on me raconte ce qui s’était passé à Montcenis, durant mon absence. Pour venger la mort du petit Chazal, un boche accusé d’avoir voulu brûler un village quelque part, a été fusillé. Conduit dans le chemin du cimetière, il dut, sur l’ordre des soldats français, marcher devant. Lorsqu’il vit le cimetière, il comprit le sort qui l’attendait. Un coup de feu fut tiré et le boche s’écroula, la nuque percée. Un trou fut creusé dans un coin du cimetière mais, comme il n’était pas assez long, on tordit le corps en deux pour qu’il puisse y tenir. C’est là qu’il repose désormais, sans fleurs ni tombeau, seul, dans son coin.
Le samedi matin, Autun est enfin libre. Mais il y a eu de furieux combats et de nombreux patriotes sont tombés…
L’après-midi de ce même jour, a lieu l’enterrement de Lucien Chazal. C’est une magnifique cérémonie à laquelle prennent part les FFI, ses camarades, nous portons le cercueil.
Au cimetière, le corps est porté par ses camarades, nous formons une garde d’honneur autour de son cercueil, vers lequel la foule défile pendant près de deux heures. Ce spectacle est tragique lorsque le pauvre père bénit le cercueil. On est obligé de le porter. Sa douleur fait grand peine à voir et ce crime odieux a fait une tache très sombre dans la joie de la Libération. Le maquis du Sud, les CFP, se sont installés pour trois jours à Montcenis. Ils ont garé leurs véhicules hétéroclites route de la Tagnière, sur la Terrasse et sur le Champ de Foire. Eux se sont installés dans la salle de gymnastique.
Le dimanche matin. il passe un convoi d’artillerie sur la route. L’après-midi, c’est un convoi de tank qui traverse le village. Vers l’école. un tank s’arrête. Il en descend un jeune soldat. saute sur une bicyclette et part à toute vitesse au Coin Petit revoir ses parents. C’est le jeune Gauthier. parti depuis de nombreuses années déjà.

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